Le sommeil sur un ultra
Un constat
Qui n’a pas vu chez les finischers d’ultra longue distance des traileurs en mode “automate”, en fin d’épreuve, se faire irrémédiablement doubler par des coureurs intrinsèquement moins performants qu’eux mais encore capable de marcher (voir souvent courir) en ouvrant les deux yeux !!!
>> ne pas du tout dormir : une erreur stratégique !!!
C’est à mon sens une erreur de penser qu’après 30h d’effort il reste préférable de supprimer les temps de sommeil pour « griller quelques concurrents » plutôt que de s’accorder des pauses régulières de sommeil .
Je me permettrais quand même d’évoquer la mésaventure de Marco Gazzola disqualifié à l’arrivée du Tor en 2011 alors qu’il franchissait en tête la banderole … après s’être “égaré” sur la fin du parcours à 10 km de l’arrivée ….
extrait de son témoignage :
“Je suis parti sans aucune feuille de route, « à l’aveugle », mon unique plan était pour la première nuit de continuer au moins jusqu’à Cogne, où j’avais l’intention de dormir pendant au moins 30 minutes mais au bout d’un quart d’heure, je me suis réveillé et je suis reparti. Pour la deuxième nuit, j’ai essayé 2 fois de m’endormir, mais je n’y arrivais pas, j’ai donc continué mon avancée jusqu’au moment ou je me suis imposé 15 minutes de sommeil.”
( http://www.tordesgeants.it/fr/content/marco-gazzola)
Eh oui sûr de son fait le bonhomme par manque de lucidité à perdu la victoire alors même que son avance lui aurait largement permis de reprendre le bon chemin une fois l’erreur connue…
Pour gagner certes il ne faut pas jour au marmottes sur les bases de vie mais la prudence reste de mise faute de quoi l’effondrements en fin de parcours risque de vous faire perdre des heures ….
Sur le Tor 2013 Karrera qui pulvérise l’épreuve a bien failli la perdre au profit dOscar Perez avec une fraîcheur à l’arrivée étonnante en comparaison à l’état de Karrera ….
Voir Oscar donner son dossard au vainqueur est le témoignage de cette immense lucidité avec un geste de fair-play et de sportivité hors du commun…
Pour moi, l’enseignement principal de cette édition aura été le sommeil
Pour Karrera on est sur un cumul des 1h 30 (à Niel) + 15 min à Oyace.
Les avis ne sont pas unanimes sur une phase de micro sommeil la première nuit avec réveil à la montre (mais sur ces micro siestes les avis divergent)
Chez PEREZ la gestion du sommeil a été réalisé par des arrêts plus marqués …. à voir PEREZ finir en trombe on perçoit l’intérêt de cette 2e stratégie …. Hors arrêt PEREZ a été beaucoup plus rapide que Karrera
Rappelons qu’en 2012 on était à 6h30 à 7h pour Grégoire MILLET et 4h 4h pour Oscar PEREZ
>>>>RESTEZ LUCIDE comme les marins !!
On parle “d’exploit” des ultras traileurs Elite sur le sommeil …
mouai…les marins au grand large font aussi bien et plus longtemps !!!
Eh oui les navigateurs solitaires tiennent très souvent bien plus que 70h avec moins de 3h de sommeil en cumul.
Sur la course du Figaro (course à étapes) les parcours durent grosso modo 72h et la plupart de coureurs ne dorme pas du tout.
Gabart sur le tour du monde en solitaire et sans escales en 78 jours à passée plusieurs fois 3 nuits sans dormir plus de 5-10′ à chaque fois
Hors tenir un rafiot sur une mer avec force 9 demande un brin de lucidité 😉
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>>>>> DORMIR S’APPREND 😉
Certains traileurs dépensent une fortune en produits énergétiques dont personne ne m’a démontré à ce jour dela plus value par rapport aux recette maison je pense que le passage par un somnologue est en revanche une démarche intéressante ?
Celui-ci va réaliser une actimétrie avec un agenda de sommeil.
Cela dégagera les moments propices à l’endormissement avec ce que l’on appelle “les zones d’entrée” du sommeil polyphonique très profond .
>>>>> SAVOIR DECIDER
En terme de sommeil le plus difficile dans une épreuve d’ultra est la prise de décision , cela s’apprend !!
C’est en exploitant ses “portes d’entrée dans la salle de votre sommeil que vous rentrerez très vite dans les fameuses micro siestes ….
Cela s’apprend , se travaille (en période de vacances, sur les WE choc par exemples) et vous pourrez ainsi améliorez votre récupération et progressivement tel un marin “mécaniser” l’endormissement pour pouvoir décider du moment des siestes .
Cela exige de la lucidité pour rester à l’écoute de soi… on ne va se forcer à dormir si tout va bien au prétexte d’être à la base de vie !!
>>>>> LE SOMMEIL “POLY” des 15′
En m’appuyant sur les marins et certaines expériences menées sur le sujet notamment par l’équipe du docteur Eric MULLENS je vous conseille de démarrer vos ultra d’emblée avec le sommeil POLY en sectionnant votre sommeil par tranche de 15′
source :
Eric MULLENS
apprendre à dormir (2005)
édition : Editions Josette Lyon
Le Dr Eric Mullens est reconnu comme un des meilleurs experts de la pathologie du sommeil et de la vigilance.
(Attention ce n’est pas non plus mon gourou , j’essaye toujours de croiser mes informations pour leur donner de la crédibilité )
>>>>> SE PRIVER DE SOMMEIL ? la pire des solutions !!
Ce n’est pas sur la privation que la réflexion doit être menée mais sur les stratégies de sommeil réparatrices …. la nuance est de taille !!
Se priver de sommeil sur les semaines avant la course c’est mettre en surmenage le système nerveux autonome qui va finir par débrancher avec le risque réel du surentraînement sans même s’entrainer plus que d’habitude ….
De même sur la dernière semaine il serait totalement contre productif de se priver de sommeil
Le principe de la structuration du sommeil
Classiquement on cumule cinq cycles de sommeil sur notre nuit. Chaque cycle, d’environ 1h30, se structure par paliers.
L’un des plus important pour nous autres sportifs d’ultra est celui qui consiste à se placer dans le sommeil lent profond pendant lequel on récupère le plus de la fatigue physique…
Sommeil qui est suivi par la phase du sommeil paradoxal où par les rêves on va passer sur une récupération psychique… donc pas forcément indispensable sur des courses d’ultra où le stress est limité (ce qui n’est pas le cas par exemple pour les courses au large ou il faudra gérer le rafiot en pleine tempête !).
Les experts considèrent qu’il faut en moyenne trois cycles d’1h30 (environ) par tranche de 24h pour tenir le choc sur du moyen terme (une à deux semaines maxi) .
Stocker le sommeil !
Sur d’affutage avant un ultra il est conseiller de « stocker » du sommeil.
- L’équipe du professeur Chéri D. de l’université de Stanford (Californie) a réalisé une étude sur l’effet “stockage du sommeil” .
- Cela a été mis en place avec des basketteurs à qui on a imposé un minimum de 10h couchés par nuit, et cela pendant 7 semaines.
- Les résultats attestent d’une amélioration des performances ( vitesse de sprint, de leur précision au shoot de 9 % et réduction des temps de réaction.)
> source de l’étude :
- Cheri D., Kenneth E, Eric J. Kezirian, William C. Dement
“The Effects of Sleep Extension on the Athletic Performance of Collegiate Basketball Players”
La sieste maîtrisée :
Très souvent on a peur de trop dormir pendant son temps de sieste , effectivement 20 minutes est un durée suffisante .
Voilà une atuce : je vous conseille le réveil de votre téléphone portable pour retirer ce stress en lien à la peur de ne pas se réveiller
Des essais sont nécessaires avec l’utilisation du réveil (en choisissant sa sonnerie de réveil : elle ne doit pas être trop forte et surtout agréable pour vous).
Le réveil vous permettra de ne pas “angoisser” sur le risque d’une sieste trop longue, il facilitera le “lâcher-prise”.
Je déconseille fortement les prises de somnifères même les supposé light type stylnox… sauf pour les hyper anxieux qui chaque année se font une semaine de nuit blanche avant leur objectif majeur !
IMPORTANT :
Il est indispensable de contrôler les indicateurs classiques du niveau de fatigue :
- les valeurs des Ruffiers ne doivent pas s’effondrer (le test sera fait tous les jours).
- l’appétit doit rester égal à lui-même.
- l’humeur restera acceptable (pas d’irritabilité “anormale”).
Si cette préprogrammation altère l’un ou l’autre de ces indicateurs il faut stopper !
Il est fortement conseillé de conserver les 72 dernières heures en sommeil “classique” avec des temps de sieste important pour une complète recharge en terme de récupération psychique !
Anticiper les périodes de sommeil
Difficile sur un ultra trail (ou un ultra en ski alpinisme) de programmer comme on peut le faire sur un kayak de mer dans les mérathlons de longues distance ou sur les ultras en vélo de route.
En effet des paramètres incontournables sont à prendre en compte :
- il est indispensable de pendre en compte le relief.
- le sommeil se mettra en place si possible avant une descente technique qui va exiger une concentration de tous les instants.
- il faudra veiller à la qualité possible du support… par conséquent ANTICIPER sur la localisation du poste où le repos sera possible dans de bonne condition.
- on dort beaucoup plus facilement sur un pré ou un sol “tendre” qu’en étant en vrac au bord d’un chemin entre 3 blocs de rocher !
- Il faut donc anticiper et ne jamais se laisser surprendre !
- Le roadbook doit être méticuleusement préparé et étudié.
On doit garder le contrôle de la gestion de sa course et ne pas se laisser dominer par le paramètre du sommeil !
On doit toujours avoir la maîtrise de la situation, c’est la volonté qui commande l’organisme en ultra et en ultra trail en particulier… et non l’organisme !
Sur un ultra, la gestion mentale est essentielle au risque de “bâcher” ou laisser filer des heures de repos inutiles et surtout ineffficaces !
C’est pour cela que je suis un passionné des ultras sur mon kayak ou mes skis de randos, car cette gestion mentale est une source d’excitation et de satisfaction vraiment agréable… le sentiment de ne pas subir les évènements… il faut dire qu’ à mon âge côté performance intrinsèque ou défi de type “musculaire ou cardio vasculaire”… la date de naissance rend modeste !
Témoignage (extraits du
forum de kikourou )
Eric :
Ma modeste contribution : d’expérience, j’ai appris qu’il valait mieux cumuler du sommeil dans le mois précédent l’épreuve de manière à ne pas caler le jour J ;
UTMB 2009, je pars (18h30) avec un déficit de sommeil du à une semaine de nuits courtes et agitées ; je termine la seconde nuit de course avec 2 ou 3 X 10’ de quasi-sommeil mais comme un véritable zombi, c’est-à dire sans plus gérer grand chose et en ayant même eu une hallucination.
GRP 2010, je pars (5h00) après une nuit de 2 heures de sommeil et sans avoir réellement prêté attention à mon sommeil précédemment ; avec pour résultat, un milieu de nuit atroce, juste l’envie de tout arrêter à Cauterets ; poussé par mes proches et une connaissance, je m’allonge 30’ d’un côté et 30’ de l’autre dans la voiture ; je repars avec une impression de bonne forme, mais dans la journée suivante, impossible de lutter, je refais une sieste en plein cagnard (pendant combien de temps ?) avant d’arriver à la tombée de la nuit suivante bien entamé.
TOE 2011, je pars (8h) en ayant cumulé du sommeil d’avance, ce qui fait que même la nuit précédente n’est pas un problème (ça enlève du stress !), en ayant prévu 2 heures de sommeil à Vallouise et 2 heures à Valsenestre (Aroche a raison, il faut pouvoir trouver des points de chute en fonction du terrain et donc étudier le road-book un minimum) ; finalement trop en forme à Vallouise, j’ai poussé jusqu’à la Chapelle (km133 vers midi le lendemain) et m’y suis allongé 2 X 20’ sans en éprouver cependant une énorme envie, juste en me disant que c’est nécessaire, puis 1h30 à Valsenestre la nuit suivante afin de régénérer la bête pour en terminer avec le gros morceau Muzelle. Au bilan, je finis beaucoup plus frais que lors des 2 épreuves précédentes…
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