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L’entraînement polarisé et les limites des entraînements “allure course”

L’entraînement polarisé et les limites des entraînements “allure course”

L’entraînement polarisé et les limites des entraînements “allure course”

Faut-il s’entraîner en allure course jusqu’à la nausée voir jusqu’aux vomissements ?

Pourquoi le “No pain, no gain” à tout prix “pour envahir pour son argent” n’est pas forcément la dévise de ceux et celles qui gagnent à haut niveau ?

L’observation des Elites en sports d’endurance

Si les articles sur les zones d’intensité sont légions, si les publications sur les % de VMA ou les %de VO2max sont très nombreux, les études sont beaucoup plus rares sur la “dose” elle même d’entraînement, en terme de répartition dans les zones d’intensité.

Néanmoins quelques experts en physiologie du sport ont travaillés sur le sujet et notamment en analysant la manière dont s’entraînent les meilleurs spécialistes mondiaux dans les sports d’endurance (marathonien, skieur de fond, rameur, cycliste).

Ce que je vous présente s’appuient sur les travaux de plusieurs d’entre eux (source citées en fin de l’article).

Seillier (professeur en sciences du sport à l’Université d’Agder (Norvège) et membre du comité directeur de l’European College of Sport Science) a notamment étudier l’évolution des performances chez BENTE SKARI 5 fois championne du monde de ski de fond.

(voir photo jointe)

Son étude a portée sur la relation évolution de la VO2max / mode d’organisation des entraînements en terme de répartirtion des efforts.

A partir d’analyses comme celles-ci, Seilier a pu observer que les performance ont été très sensiblement améliorées avec 4 axes de développements

  • Une augmentation très sensible de la durée totale de leurs entraînements.
  • Une augmentation des temps de cumul sur la zone faible en aérobie strict en dessous du seuil 1.
  • Une augmentation du cumul des temps sur le seuil 2 au au dessus.
  • Une baisse des temps de cumul sur la zone de course situé classiquement entre les deux seuils.

La fatigue pénalisante de “l’allure course” (le fameux palier 3)

Les travaux de Seilier et de ses petits camarades remettent clairement en cause le principe des sempiternelles séances « allure courses » construites sur le principe de la sacro sainte idée reçue :

“tant que cela ne fait pas mal ce n’est pas de la bonne qualité”.

Seilier valide les travaux de Muñoz :

Muñoz à montrer que cette zone “allure course” (située schématiquement entre les deux seuils) provoque un très fort impact sur la fatigue du système nerveux autonome.

L’entraînement polarisé consiste donc à se concentrer davantage sur les intensités hautes et basses des zones :

c’est à dire celle de l’aérobie stict et celle de la très haute intensité sur le seuil 2 ou légèrement au dessus.

Le principe pourrait donc se résumer par une formule caricaturale mais assez juste : “Quand on s’entraîne dur on s’entraîne très dur… quand on est cool on reste relax… et on ne mélange pas les genres !

Une méthode d’entraînement qui a fait ses preuves et qui dépasse le stade d’un “effet de mode”

Voilà une anecdote qui en dit long sur la rigueur des Scandinaves aux entraînements polarisés :

Tout comme Bente SKARIB ; Bjorn DAEHLI, skieur de fond et auteur de douze podiums olympiques dont huit titres, stoppait son effort en côte pour marcher afin de ne pas se placer au dessus de son seuil 1, sur ses séances aérobie strict en zone 1.

… à méditer pour toutes celles et ceux qui se la jouent en mode “à bloc” à chaque sortie…

L’entraînement polarisé n’est donc pas un concept à la mode, sorti de nulle-part, depuis les années 80 les skieurs norvégiens l’utilisent.

Un calibrage en 3 zones cibles (voir photo jointe)

Alors que bon nombre de modélisations complexes découpent en 5 zones (et parfois 7) l’échelle des intensités, l’entraînement polarisé est sur ce plan plutôt pragmatique avec 3 zones seulement.

La zone 1 (aérobie strict)

L’intensité est inférieure au seuil 1 (on l’appelle le seuil aérobie mais aussi le SV1 ou encore le premier seuil lactique).

L’entraînement dans cette zone a pour objectif d’ améliorer les capacités d’oxygénation musculaire : on améliore la vascularisation en développant le réseau des capillaires, on augmente le nombre de mitochondrie des cellules qui ce sont les « usines » à production d’énergie de nos cellules.

La zone 2 (entre les seuils)

La zone où l’intensité est comprise entre le seuil 1 et le seuil 2 (on l’appelle le seuil Anaérobie mais aussi SV2 ou second seuil lactique).

Sur cette zone d’intensité on est plus ou moins à « allure course ».

FC ou allure ?

En réalité la limite haute de la zone 2 il me semble préférable de fixer par une allure cible “course” (vitesse ou puissance pour un cycliste) et non pas en s’appuyant sur le seuil anaérobie.

Si l’objectif est une saison de trail court au format 20 km l’allure cible sera la puissance ou la vitesse ascensionnelle que vous serez capable de tenir sur chaque bosse, cette puissance se situant suivant votre niveau d’expertise probablement plusieurs pouls au dessus de votre seuil anaérobie.

Pour ma part avec des traileurs spécialiste de distance modérée ou pour les skieurs alpistes je calibre le départ de cette zone juste au dessus de leur allure cible sur des Km vertical.

Si votre objectif de la saison est de faire des trails d’un format 80 km ou de ce calibre, l’allure cible sera la puissance que vous serez capable de tenir dans chaque montée col sur la durée de course proche des 10-12h cette puissance se situant très probablement en dessous de votre seuil anaérobie.

La zone 3 (dite aussi Haute intensité)

Ici schématiquement l’intensité est supérieure au seuil anaérobie -seuil 2- (ce que l’usage populaire appelle encore « le travail au seuil »)

En zone 3 on se placera donc juste un peu au dessus de cette allure cible “course”.

L’entraînement dans cette zone 3 a pour objectif d’ améliorer les capacités maximales tant sur le plan cardio-vasculaire que musculaire.

En s’entraînant en zone 3, vous l’avez donc compris on se place bien au dessus de ce qui est classiquement sa « zone confort course ».

Le trou noir de la zone cible “entre les seuil”

De manière schématique, l’entraînement polarisé se repartie de la sorte :

  • 80% de travail sous la zone du seuil 1.
  • le minimum possible en dehors des courses de préparation sur la zone 2 (3 à 5 %).
  • entre 6 et 15% de travail à haute intensité sur le seuil anaérobie (seuil 2) ou un peu en dessus ; néanmoins sans aller trop au delà pour favoriser un cumul suffisant.

Une étude menée chez des cyclistes entraînés par Neal (2013), a mis en évidence une amélioration significative de la puissance maximale de 8% après 6 semaines d’entraînement polarisé.

Avec l’entraînement polarisé, la zone d’intensité entre les deux seuils (celle que l’on adopte en course d’endurance sur des format de 4 à 6h) est réduite à minima. Seilier l’appelle le “trou noir” pour évoquer une zone à éviter en dehors des courses de préparation.

Selon les travaux de Muñoz, c’est en effet cette zone qui provoque le plus d’impact négatif sur la fatigue du système nerveux autonome.

Avec la méthode de l’entraînement polarisé, les entraînements allure course sont donc limités, on est donc à l’opposé des séances de sorries club ou l’on passe 3-4h à « se tire la bourre » à chaque séance.

Pour faire court ces séances développent une fatigue importante mais l’intensité n’est pas suffisamment conséquente pour permettre à l’organisme de pleinement progresser.

L’organisation annuelle d’un entraînement polarisé

Etape de la préparation physique générale

On est sur une base d’entraînement en dessous du seuil 1 (schématiquement entre 65 et 75% de sa Fc max)

Avec avec 1 à 3 séances par semaine d’entraînement à haute intensité (intervalles, musculation…).

1 séance > si 3 à 4 entraînement /semaine

3 séances > si 8 à 10 entraînement par semaine

A l’approche des compétitions :

La répartition des zones est conservée 

Le cumul total d’heures est réduit 

On durcit les intensités dans la zone 3 et on rend encore plus facile ceux de la zone 1

De plus on participera à des compétitions de préparation ou bien à des sorties de « test-ajustement » de l’allure « course ».

Illustration avec le calibrage mensuel de la programmation de Ingrid KRISTIANSEN ou des skieurs (voir photo jointe)

On observe le cumul total de charge monter progressivement pensant la phase de préparation (de novembre à mars), puis une phase de modération de deux mois (avril mai) et l’entrée dans la zone de l’enchaînement des compétitions majeurs (juin, juillet août).

Les limites de la modélisation : ce n’est pas la solution miracle !

L’entraînement polarisé s’appuie sur l’entraînement de sportifs Elite et exploite en particulier la technique des meilleurs marathoniens mondiaux qui partent notamment sur une intensité élevé pour former des groupes et réguler le rythme… cette stratégie n’est pas celle du sportif ne recherchant pas une performance le plaçant sur un podium.

De plus on constate que les athlètes ayant réalisés des progrès remarquables grâce à l’entraînement polarisé sont quand même ceux qui ont aussi pratiquement doublé leur volume d’entraînement…

Alors quid des progrès : l’entraînement polarisé et/ou le doublement du volume d’entraînement ?

Des études complémentaires seraient nécessaires pour apporter une réponse non hasardeuse que je ne ferais pas.

En tout état de cause un entraînement dont la qualité imposerait des cumuls de temps d’entraînement importants impose beaucoup de prudence !

Ce n’est pas chose aisé par exemple pour une maman sportive de dégager du temps pour aller s’entraîner quand elle aura épuisé ses tâches de vie en plus de son travail professionnel : car il faut bien l’avouer avant d’aller pouvoir s’octroyer un brin de liberté elle devra souvent (trop souvent) jouer à la ménagère, à la lavandière, à la cuisinière… 

oups… c’est aussi cela la réalité à prendre en compte pour un préparateur physique pragmatique

Enfin ces quelques lignes restent une modeste vulgarisation d’une donnée il va de soi que celui-ci n’échappe pas à la règle de la simplification nécessaire un brin réductrice du concept.

A titre personnel je n’utilise jamais une méthode en exclusivité (polarisé ou autre) la première chose est d’abord d’identifier les besoins et les attentes du sportif ou de la sportive et ensuite d’ajuster au mieux ce qu’il ou elle pourra mettre en place avec ses disponibilités, en fonction de son passé, de ses objectifs, de son potentiel, de sa propre vision de la performance… on reste avant toute dans l’humain… un sportif ne se résume pas seulement à “un tas de mitochondrie” ou une valeur de VO2max ou une brave courbe de linéarité VCO2/VO2 !

Sources bibliographiques

Muñoz I (2013)

“Does Polarized Training Improve Performance in Recreational Runners ?”, éditon : Int J Sports Physiol Perform

Neal CM (2013) 

“Six weeks of a polarized training-intensity distribution leads to greater physiological and performance adaptations than a threshold model in trained cyclists.”. édition: J Appl Physiol

Laursen P.B (2010)

Training for intense exercise hight intensity or hight volume training ?, édition : Scand J MedSci Sports

Zapico (2007)

Evolution of physiological and haematological parameters with training load in elite male road cyclistes: a longitudinal study, édition : J. Sports Med.Phys

Source documentaire des conférences INSEP (pour les schémas notamment)

Source : http://www.canal-insep.fr

Certains verront dans cette approche ce que préconisait sans le dire des entraineurs dans les années 80-90 comme Serge Cottereau par exemple.

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