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Le mur du marathon et les idées reçues

Le mur du marathon et les idées reçues

Le mur du marathon et les idées reçues

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Le débat sur le célébrissime “mur” fait couler beaucoup d’encre avec de nombreuses idées reçues infondées.

On avance beaucoup la fringale, le coup de la panne en glycogène (manque de “sucre” pour faire très court) ou encore une trop forte montée de l’acide lactique pour justifier ce “coup de bambou”…

Intellectuellement cela se tient mais voila…comment expliquer que les cyclosportifs amateurs ne connaissent généralement pas ce fameux mur.

(qui devraient être pour eux autour des 2h 30 à 3h d’effort) 

Des microlésions aussi sournoises que redoutables

Lorsque les message chimiques viennent mettre “du bazar” dans l’organise.

Le “fameux mur” est étroitement en lien aux micro lésions provoquées par les impacts répétés qui en s’accumulant finissent par se payer “cash”…

En effet la contraction excentrique des muscles répétés des milliers de fois conduit à ces microlésions tissulaires.

Suite à ces impacts à répétition une inflammation se produit au niveau de fibres déchirées.

Cette inflammation va enclencher la mobilisation de messagers chimiques (cytokines pour les intimes).

Ces braves messagers vont avoir un impact direct sur une commande passé aux lipides pour produire de l’énergie.

Tout cela ne se met pas en place en 30 secondes, le temps qu’une régulation efficace se mette en place c’est le mur !

Il est essentiel pour atténuer les effets du “mur” de travailler des enchaînements sur accumulation de fatigue contrôlée.

D’ailleurs à mon sens le travail en allure “spécifique course” doit se travailler dans des conditions de fatigue proches des conditions de course.

À titre personnel en terme de programmation je joue beaucoup sur ces temps de rupture entre dégradation/surcompensation…

Ma réflexion actuel avec les athlètes et les confrères avec lequel je collabore porte d’ailleurs beaucoup plus sur ce paramètre que sur l’étalonnage au millimètre du contenu des séances.

Il faut rester pragmatique franchement se placer à 85 à 87% % de sa VMA (ou VMAascensionnelle pour un traileur ou skieur alpiniste) s’apparente dans l’immense majorité des cas à couper un cheveu en quatre !

Dans le cadre de l’individualisation des coachings il me paraît en revanche bien plus important de structurer l’enchaînement des séances pour placer une sortie longue où les conditions se rapprocheront de la situation de course.

Vous l’aurez compris tout cela passe par un contrôle rigoureux des marqueurs de fatigue comme le RMSSD (variabilité de la FC) ou à défaut le suivi des valeurs du test du Ruffier.

Renforcer vos fibres musculaires !

Je pense que l’on a tout intérêt à renforcer ses fibres.

D’ailleurs si les traileurs niveaux moyens rencontrent souvent beaucoup moins le “mur” que leur petits camarades de niveau identique sur route c’est peut-être parce qu’ils travaillent souvent beaucoup plus le renforcement des fibres notamment lors des tempo à vitesse élevée en descente.

Un cerveau en manque de “sucre”

Le physiologiste sud Africain Tim Noakes a montré que le fameux mûr du marathon n’est pas dû (principalement) à un manque de glycogène au niveau des muscles mais au niveau du cerveau. 

Il s’appuie sur de nombreuses autopsies musculaires qui démontrent qu’un % important des réserves en glycogène sont encore présentes vers le trentième kilomètre…alors même que le “mur” arrive…

Si la faute est due pour partie au glycogène, elle est simplement due au cerveau qui à court de glycogène hypathique va imposer une très forte diminution de l’intensité d’effort.

Tim Noakes appelle cela le «modèle du gouverneur central» 

Il me semble utile de rappeler que les stock de sucre se placent dans 2 armoires : le foie (glycogène hépatique) et dans les muscles (glycogène musculaire).

Longtemps isolé sur sa thèse Tim Noakes a été rejoint lorsque d’autres chercheurs ont eux aussi produits les mêmes conclusions à travers leur recherche.

Le finlandais Rusko mais aussi le canadien Steve Magness ou encore Vollard qui ont tout récemment apportés les mêmes conclusions pondèrent du coup assez sérieusement l’impact de la VO2max (votre cylindrée pour faire court) comme unique prédiction d’une performance dans les sports d’endurance… comme trop souvent des articles le laissent entendre.

Ces chercheurs ont montré que des compétiteurs ont fait d’énormes progrès de performance sans que ceux-ci soient corrélés par des changements importants de VO2 max.

A titre personnel je l’observe avec certains athlètes que je coache, d’un test d’effort à l’autre les valeurs restent sensiblement les mêmes et pourtant les progrès parfois sensibles sont là.

Le carburant au niveau des muscles peut bien sûr aussi faire défaut

Je ne dis pas que la problématique du manque de carburant n’est pas présente parfois…mais là encore attention aux idées reçues !

Ce n’est parce que l’on se sera “gavé de sucre à faible index glycémique (pâte and co) que l’on va être à l’abri de l’épuisement de toute sa réserve de glycogène.

Même dans ces conditions on pourra se buter contre le mur… et cela pour une raison assez simple :

Il n’y a pas de possibilité de transfert de glycogène d’un groupe musculaire à un autre !

Pour faire très caricatural quand c’est la panne sur les quadris… le glycogène stocké des épaules ne pourra pas vraiment jouer aux pompiers volants !

Une perte totale des stocks de glycogène musculaire des quadriceps pourtant patiemment constitués peut tout à fait se produire !

Néanmoins il est tout à fait jouable de poursuivre un exercice alors que le glycogène est pratiquement épuisé !

Il suffira juste à l’organisme de “basculer” alors en mode consommation de graisse (lipolyse et néoglucogenèse hépatique pour les intimes) ce qui permettra de maintenir un niveau d’intensité entre 50 et 55 % du VO2 max pendant plusieurs heures.

…et sur ce mode d’intensité de l’effort le glycogène n’est pas le facteur limitant.

Petit rappel : les travaux de GUEZENNEC ont montré que les réserves lipidiques de l’adulte à un stock moyen de 140.000 Kcal… donc on peut y aller avant de vider le stock va falloir y aller quand même.

Sources 

GUEZENNEC C.Y. “Données récentes sur l’influence de l’exercice physique sur le

métabolisme protéique : implications nutritionnelles et rôle des hormones.” Sciences et Sports, 1989.

N. Vollard, (2009) 

“Systematic analysis of adaptations in aerobic capacity and submaximal energy metabolism provides a unique insight into determinants of human aerobic performance”

Édition : J. Appl. Physiol, 

Tim Noakes 

“Lore of Running”.

édition: FOURTH 

Le livre de Tim Noakes (un pavé de 944 pages) est en vente sur amazone.

Noakes est sans aucun doute un chercheur reconnu par ses pairs et un compétiteur expérimenté avec plus de 70 marathon ou ultra dans la poche… ça joue un peu en terme de crédibilité !

Ses ouvrages sont toujours riches de références scientifiques ou issus du terrain…

J’apprécie cette démarche, contrairement à beaucoup de productions (ou articles) diffusés ici ou là dans des revues ou magazines spécialisées qui se terminent sans la moindre bibliographie… ne permettant pas de croiser les informations “recherche/terrain” pour tenter de les valider… 

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